Friday 27 October 2017

Alexandre de Rhodes a-t-il inventé le quốc ngữ ? (Alain Guillemin - Moussons 23 - 2014, p. 141-157)

Source: https://moussons.revues.org/2921?lang=en

En mai 1941, les autorités coloniales dressent un mémorial sur une petite place au nord-est du lac Hồàn Kiếm, à côté du temple de Bà Kiêu. C’est une stèle en pierre, haute de 1,7 m, large de 1,1 m et épaisse de 0,2 m, sur laquelle sont gravés en quốc ngữ1, en chinois et en français, les mérites du jésuite Alexandre de Rhodes. Le journal Tân Tri du 13 juin 1941 en informe ses lecteurs de la manière suivante :
M. Alexandre de Rhodes a revécu parmi les habitants de Hanoi lors de l’inauguration de son mémorial ; la cérémonie a été réalisée dans une atmosphère solennelle et émouvante […] Maintenant, le quốc ngữ est considéré comme les fondements de la langue nationale, c’est pourquoi, nous ne pouvions pas ne pas remercier sincèrement celui qui l’a inventé, M. Alexandre de Rhodes. (Le courrier du Viêt Nam, 4 juillet 2004 : 6.)

2Le titre de notre article Alexandre de Rhodes a-t-il inventé le quốc ngữ ? est bien sûr ironique. Nous savons, comme le dit Alexandre de Rhodes lui-même, qu’il n’a pas inventé le quốc ngữ. Si éminent que soit son rôle, nous verrons qu’il n’est que le maillon d’une chaîne et que l’hommage rendu à, l’illustre jésuite ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. En effet, ce qu’il faut mettre aussi en évidence est le rôle des missionnaires dans la connaissance des langues. Au Viêt Nam, comme dans la plupart des pays qu’ils tentent d’évangéliser (un autre exemple patent est celui des Pères blancs en Algérie pour la connaissance de l’arabe et du berbère), ces évangélisateurs ne se limitent pas à la prédication et à la traduction de la parole de Dieu. L’œuvre de lexicographie de missionnaires n’a pu se faire qu’en étroite collaboration avec les chrétiens et les lettrés vietnamiens, collaboration trop souvent tue par les missionnaires. Ce qui ne justifie pas néanmoins la sous-estimation, voire l’ignorance, de l’apport des missionnaires à l’historiographie du Viêt Nam. Ils n’ont pas seulement été des jalons incontournables en matière de grammaire et de lexicographie des langues, mais ont parfois aussi été de grands ethnologues ou de grands historiens. C’est donc à juste titre que Georges Condominas rend hommage à l’œuvre du Père Cadière et que Laurent Dartigues donne sa place aux missionnaires dans la naissance et le développement de « L’orientalisme français en pays d’Annam » (Dartigues 2005 : 122-136).

3Or, pour certains spécialistes du Viêt Nam, reconnaître la valeur et le rôle scientifique des écrits de certains missionnaires aboutirait à ne considérer que le côté positif des missions, voire verser dans l’hagiographie. Il en est bien sûr tout autrement. La reconnaissance de l’apport des missionnaires à la vietnamologie n’aboutit pas à ignorer les côtés négatifs de leur action au Viêt Nam : nombre d’entre eux ont méconnu la culture vietnamienne, jugée inférieure à la culture française, partie prenante de la culture occidentale et, sauf exception, ils ont fermement soutenu la domination coloniale. L’entreprise missionnaire est contradictoire, mais cette contradiction est un fait et les faits sont têtus, comme le déclarait un certain Vladimir Ilitch Oulianov, plus connu sous le nom de Lénine dans sa Lettre aux camarades du 30 octobre 1917.

4Reste à expliquer cette vision réductrice de certains spécialistes du Viêt Nam. Elle relève, très probablement, d’une double faiblesse épistémologique : l’adhésion inconsciente à « l’athéisme méthodologique » dénoncé par Albert Piette (2003) et à « l’illusion scientifique » formulée par Michel de Certeau (1975). Dans son ouvrage sur « le fait religieux », Albert Piette s’élève contre « l’athéisme méthodologique » pratiqué par les spécialistes des sciences religieuses et, plus généralement, par les chercheurs en sciences humaines, au profit d’un « théisme méthodologique » qui ne réduit pas le croyant (en ce qui nous concerne ici le missionnaire) à un « idiot manipulé, halluciné, illusionné par des forces chimériques », et de ce fait incapable de prendre des distances avec sa foi et d’apporter son tribut aux recherches en sciences sociales (ibid. : 37). D’autre part, Michel de Certeau, dans la filiation de Paul Veyne et de Paul Ricœur, souligne que l’histoire est non seulement un récit, mais aussi une pratique, liée à son lieu d’énonciation, « l’institution historique ». Michel de Certeau veut dire par là que tout historien, ecclésiastique ou laïc, croyant, agnostique ou athée, s’insère dans une époque, un moment de la recherche historique, avec ses thématiques et ses écoles, ses innovations épistémologiques et ses impasses, et le met en garde contre « l’illusion scientifique » (1975 : 70). En effet, l’observateur, anthropologue, historien ou sociologue, travaille sur des constructions déjà opérées par les acteurs. En prenant la suite de l’interprétation et des catégorisations des acteurs, il effectue certes un décrochage par rapport au monde des acteurs, « mais il contribue par spécialisation et institutionnalisation à l’élaboration d’une posture originale, celle des sciences humaines, à mi-chemin du monde des acteurs et d’une distance objective et omnisciente qui ne saurait que constituer un fantasme » (Molino 1997 : 19).

5Cette mise au point épistémologique ayant été faite, reste à organiser notre propos. Cet article, centré autour de la figure d’Alexandre De Rhodes, se veut une synthèse du rôle des missionnaires dans la lexicographie du vietnamien, plus précisément la mise en œuvre de la translittération de l’écriture de la langue vietnamienne en caractères à l’écriture en alphabet romain, en d’autres termes, du chữ nôm au quốc ngữ. Cet exposé qui vise un public de non vietnamisants mais aussi de vietnamisants peu familiers avec ce sujet sera divisé en trois parties. Après avoir brièvement évoqué la vie et les voyages d’Alexandre de Rhodes, nous tenterons de mettre en évidence les principaux apports de son œuvre lexicographique et le rôle joué par ses prédécesseurs, des jésuites portugais. La troisième partie analysera le processus qui débouche sur la généralisationdu quốc ngữ comme mode de transcription de la langue vietnamienne. Faut-il préciser que cet exposé n’a pas de prétention linguistique, et ce pour trois raisons : l’auteur n’est pas linguiste, les articles et les ouvrages de linguistique sur le passage du chữ nôm au quốc ngữ, en vietnamien, en anglais et en français sont très nombreux, enfin, innover dans ce domaine suppose la connaissance approfondie du chinois classique et du chữ nôm, ce qui est très rarement le cas chez les vietnamologues de langue française. Parmi ces exceptions, on peut citer le mémoire d’Alexandre Lê (1995 : 6-99), élève de Hoàng Xuân Hãn. Les quelque données linguistiques figurant dans le texte sont toujours attribuées à leurs auteurs et n’ont pour but que d’éclairer le propos général.

Un voyageur polyglotte2


  • 2 L’histoire de la vie d’Alexandre de Rhodes est désormais bien connue. Les articles et les ouvrages (...)
  • 3 Le patronyme Rueda, vient de rueda (rouelle), petit disque rouge que les juifs de ces contrées dev (...)
6Alexandre de Rhodes est né en Avignon le 15 mars 1591, dans une famille de négociants en soie, originaire du village de Calatayud en Aragon. Ces marranes ont fui l’inquisition pour se réfugier en Avignon, alors terre papale accueillante pour les juifs. Comme beaucoup de chefs de familles juives converties au catholicisme, le père d’Alexandre choisit de modifier son patronyme Rueda en Rode, puis de Rode et finalement en de Rhodes3. En 1609, à 18 ans, Alexandre de Rhodes arrive à Rome. Le 14 avril 1612 il entre dans la Compagnie de Jésus. Là, il perfectionne sa connaissance des langues anciennes (latin, grec et hébreu), apprend l’italien et étudie les mathématiques.

7Il se destine à l’évangélisation du Japon et quitte Rome en octobre 1618 pour Lisbonne, alors principal port d’embarquement d’Europe pour les Indes orientales. Il apprend le portugais en attendant le départ, le 4 avril 1619, sur le « Sainte Thérèse », à destination de Goa. Parmi les quatre cents passagers de ce navire figurent d’autres missionnaires jésuites comme Jérôme Majorica, évangélisateur du « Tonkin » et de la « Cochinchine » et auteur prolifique de textes chrétiens en chữ nôm.

  • 4 Une langue dravidienne proche du Tamoul.
8Le navire passe le Cap de Bonne-Espérance le 20 juillet 1619 et atteint l’île de Goa le 9 octobre de la même année. Alexandre de Rhodes est accueilli par les jésuites installés à Goa depuis l’arrivée de François Xavier en 1542. Il va demeurer deux ans et demi à Goa et à Salsette où il tombe gravement malade. Il y rencontre le jésuite français étienne de la Croix avec lequel il apprend une langue locale : le kanara ou canarin4. Le 12 avril 1622, il reprend le cours de son périple vers le Japon. Il s’embarque alors pour Malacca où il arrive le 28 juillet 1622 et doit patienter près de 9 mois avant de pouvoir de reprendre la mer. En raison de l’intensification de la persécution des chrétiens au Japon et de la fermeture progressive du pays entamée dès 1612, ses supérieurs décident de l’orienter vers une autre destination : le centre du Viêt Nam où les pères Francesco Buzomi (1576-1639) et Diego Carvalho avaient établi une mission depuis 1615 à Tourane (aujourd’hui Đà Nẵng).

9Après 18 mois passés entre Macao et Canton, Alexandre de Rhodes s’embarque avec cinq autres jésuites, dont Gabriel de Matos, pour rejoindre Faifo, aujourd’hui Hội An, un des principaux ports de ce qu’il appelle la Cochinchine, au sud de Tourane. C’est un grand centre économique qui commerce avec les Japonais et les Portugais. Il y arrive en mars 1626 et en quelques mois maîtrise suffisamment le vietnamien pour prêcher dans cette langue. Le 12 mars 1627, en compagnie du jésuite Pedro Marques, Alexandre de Rhodes embarque pour le Tonkin. Il y est envoyé par ses supérieurs pour assister le jésuite italien Giuliano Baldinottiqui éprouve de grandes difficultés à maîtriser le vietnamien. La première église du Tonkin est érigée non loin de Thanh Hóa. Néanmoins, la prédication se trouve vite compromise par le conflit qui éclate, motivé par l’opposition des missionnaires à la polygamie et avivé par des rumeurs d’espionnage propagées par les mandarins au service du roi. Placé en résidence surveillée à Hanoi en janvier 1630, Alexandre de Rhodes est banni en mai par l’empereur Trịnh Tráng, sous la pression de ses concubines. Ne pouvant rentrer en Cochinchine, d’autant plus défavorable aux religieux chrétiens qu’elle les imagine devenus des espions du Tonkin, Alexandre de Rhodes retourne à Macao où il enseignera pendant près de 10 ans la théologie morale.

10Entre 1640 et 1645, de Rhodes entreprendra quatre voyages vers la Cochinchine comme supérieur des missions (janvier-septembre 1640, décembre 1640-juillet 1641, janvier 1642-septembre 1643, janvier 1644-juillet 1645). La plupart du temps, il devra travailler dans la clandestinité, en raison de l’hostilité des autorités locales. Expulsé de Cochinchine le 3 juillet 1645, il débarque à Macao 20 jours plus tard. En vue d’obtenir davantage de soutien de la part du Saint-Siège, on demande à Alexandre de Rhodes de partir à Rome plaider la cause des Missions d’Asie. Avant son départ, il initie ses successeurs, Carlo della Roca et Metello Sacano, à la langue vietnamienne.

11Parti de Macao le 20 décembre 1645, accompagné d’un jeune chrétien chinois, il n’atteindra Rome que le 27 juin 1649, après bien des vicissitudes. Arrivé à Rome, il expose la situation de l’Église en Cochinchine et au Tonkin et sollicite le soutien du Vatican pour l’établissement de missions auprès de la Propaganda Fide (Propagande de la foi). Il plaide pour la formation d’un clergé autochtone et réclame la nomination d’un évêque in partibus pour la Cochinchine et le Tonkin, s’opposant ainsi à la domination politique et religieuse de patronage portugaise, le padroado.

12Il quitte Rome le 11 septembre 1652, chargé par la Propagande de trouver les personnes et les fonds nécessaires pour remplir sa mission. Il parcourt le Piémont et la Suisse puis rejoint Paris en janvier 1653. Là, il rencontre le Père Jean Bagot, jésuite bien introduit dans les milieux du pouvoir qui avait été confesseur du jeune Louis XIV. C’est parmi les disciples du Père Bagot qu’il trouve des volontaires pour partir au Tonkin et en Cochinchine, notamment François Pallu qui sera l’un des trois vicaires apostoliques nommés en 1658 par le pape pour les missions d’Asie, acte fondateur des Missions étrangères de Paris (MEP). D’autre part, la Compagnie du Saint-Sacrement, soutenue par Anne d’Autriche, Saint Vincent de Paul et Bossuet, donne les financements nécessaires au projet d’Alexandre de Rhodes. Mais ce projet risquait d’envenimer les relations entre le Pape, le roi du Portugal et la Compagnie de Jésus. Mis en disgrâce, il est envoyé en Perse en novembre 1654 où il s’initie immédiatement à la langue. C’est là qu’il meurt en novembre 1660.

13Les haltes, dans l’itinéraire d’Alexandre de Rhodes, sont donc des occasions d’apprendre des langues. Alexandre de Rhodes connaissait 12 à 13 langues : le français et le provençal, ses langues maternelles, le latin, le grec, l’italien et peut-être l’hébreu, le portugais, l’espagnol, le canarin, le chinois, le japonais, le perse et le vietnamien, langues « qu’il pouvait presque toutes parler couramment » (Cadière 1915 : 239). Alexandre de Rhodes était modeste. À son arrivée au Viêt Nam, il avoue sa perplexité :

Pour moi, je vous avoue que quand je fus arrivé en la Cochinchine, et que j’entendis parler les naturels du pays, particulièrement les femmes, il me semblait entendre gazouiller les oiseaux et je perdis l’espérance de le pouvoir jamais apprendre. (De Rhodes 1854 : 79.)

14Mais s’il était dépourvu de fatuité, il avait cependant pour l’étude des langues « une facilité merveilleuse » (Cadière id.) Il ne tarde pas à maîtriser le gazouillis des oiseaux :

Je commençai à prendre à cœur cet emploi : on me donnait tous les jours des leçons que j’apprenais avec autant d’application que j’avais autrefois appris la théologie à Rome, et Dieu voulut que dans quatre mois j’en sus assez pour entendre les confessions, et dans six mois je prêchai en la langue de la Cochinchine, ce que j’ai continué pendant beaucoup d’années ». (Alexandre de Rhodes 1854 : 67.)

15Le Père de Rhodes était donc bien armé « pour démêler, reconnaître, différentier et noter par des signes appropriés les divers sons, parfois si voisins, si fuyants de la langue « annamite ». (Cadière id.)

16Six portraits du Père de Rhodes ont été conservés, un chez les jésuites de Florennes, en Belgique, un au Séminaire des MEP, une copie de ce dernier à Marseille, dans un lieu inconnu, un au Musée Calvet à Avignon, une copie de ce tableau au Musée Khải Định à Hué. Ces portraits présentent peu de différences. En revanche, ils ont un point commun selon le Père Cadière qui « […] croit bien que nous n’avons pas les traits véritables du Père de Rhodes […] mais une image passe partout, rendant sans souci de l’exactitude des traits individuels, l’idée en général du missionnaire chrétien, en Extrême-Orient, tel qu’on le concevait au xviie siècle » (Cadière 1938 : 45).

Fig. 1 : Alexandre de Rhodes
Fig. 1 : Alexandre de Rhodes
©Fonds iconographique des Archives des Missions Étrangères de Paris

Alexandre de Rhodes et le quốc ngữ


17Le Dictionarium Anamiticum Lusitanum et Latinum et le Catechismus Pro iis qui volunt suscipere Batismum, publiés à Rome en 1651, sont, en effet, deux ouvrages fondamentaux et irremplaçables, qui posent les bases de la romanisation du vietnamien et nous permettent en outre de connaître l’état de la langue vietnamienne au xviie siècle et son évolution. Nous nous intéresserons, dans cet exposé, au seul dictionnaire.

18Quand Alexandre de Rhodes a-t-il rédigé son dictionnaire ? Sans doute pendant ses séjours au Viêt Nam. Mais les sept ans qu’il y passa en totalité furent ponctués de va et vient, de départs et de retours. Si l’on ajoute qu’il était sollicité par les tâches d’organisation de la mission et qu’il vécut souvent dans la clandestinité où la semi clandestinité, situation peu propice à la recherche lexicographique, on peut faire l’hypothèse, avec le pasteur Bordreuil, qu’il travailla sur le dictionnaire pendant son long séjour à Macao, de 1630 à 1640 :

Bien qu’il n’en parlât pas dans son ouvrage, nous pensons que le Père de Rhodes mit à profit les dix années de calme intellectuel, sinon pour rédiger, du moins pour jeter les bases de deux ouvrages capitaux à l’usage des catéchistes annamites et des missionnaires : nous voulons parler de son catéchisme et de son dictionnaire. (Bordreuil 1954 : 79.)

19D’autre part, son séjour à Rome lui permit de mener à bien les tâches matérielles de publication de son ouvrage.

20Le Père Lèopold Cadière, expert en la matière, souligne sa grande maîtrise de la langue :

  • 5 À ce titre, la lecture des ouvrages de Nguyễn Tân Hung(2011) et de Phan Đình Cho (1998), aurait en (...)
Pour tout ce qui concerne l’ « Annamite », le dialecte du Tonkin et celui de la Cochinchine n’avaient pas de secret pour lui. Ajoutons qu’il nous donne sur l’état ancien de la langue annamite, sur des mœurs et des coutumes aujourd’hui disparues, des renseignements qu’on ne trouve nulle part ailleurs.5 Ajoutons que pour le sens des mots l’ouvrage est d’une sûreté impeccable, et que les notions de grammaire qu’il a ajoutées à son dictionnaire dénotent une compréhension très profonde du mécanisme parfois compliqué et subtil de la syntaxe annamite. (Cadière 1915 : 238-39.)

21Linguae Annamiticaeseu Tunchinensis Brevis Declaratio, le précis de grammaire vietnamienne de 31 pages, qui figure à la fin de son dictionnaire « donne un aperçu sommaire sur le fonctionnement de la langue vietnamienne. Il consacre 6 chapitres sur 8 au traitement du problème de la classification des mots en vietnamien » (Lê Thị Xuyến, Phạm Thị Quyên, Đỗ Quang Việt & Nguyễn Văn Bích 2004 : 143-144).

22Ces chapitres, si on les traduit du latin, sont les suivants :

  • Lettres et syllabes dont se compose la langue (chapitre 1) ;
  • Accents et autres signes dans les voyelles (chapitre 2) ;
  • Les noms et les adjectifs et les adverbes (chapitre 3) ;
  • Les pronoms (chapitre 4) ;
  • Autre pronoms (chapitre 5) ;
  • Les verbes (chapitre 6) ;
  • Les particules indéclinables en vietnamien (chapitre 7).

23Alexandre de Rhodes utilise cependant des notions grammaticales utilisées dans la langue latine, comme le cas, le temps ou le mode, par exemple.Ce point de vue a été critiqué par les linguistes vietnamiens :

La lecture de l’introduction sur les « parties du discours » nous donne l’impression que la langue vietnamienne est identique à la latine. L’auteur cherche par tous les moyens à insérer les mots vietnamiens dans le cadre déjà fixé des mots de sa langue. On peut y retrouver les notions grammaticales utilisées pour une description de la langue latine comme le cas, les temps et modes, le nombre, le genre, les prépositions. (Ibid. : 150.)

24Pour mettre au point son dictionnaire, Alexandre de Rhodes s’est peut-être servi des premiers travaux de romanisation de la langue japonaise (romaji) de Yajiro, un japonais converti du milieu du xvie siècle, mais ses vrais précurseurs sont les jésuites venus du Portugal. Dans l’avis au lecteur de son dictionnaire, Alexandrede Rhodes reconnaît d’ailleurs sa dette envers ses prédécesseurs. Il dit avoir travaillé sur la base d’un dictionnaire vietnamien-portugais composé par Gaspar do Amaral et d’un dictionnaire portugais-vietnamien dû à Antonio Barbosa.Mais son premier maître fut Francisco de Pina, encore un Portugais. Pina avait élaboré dès 1622 un système de transcription alphabétique adapté à la phonétique et aux tons de la langue vietnamienne, composé un florilège de morceaux choisis et commencé à rédiger une grammaire (Jacques 1998 : 37). En 1624, Pina ouvre la première école de langue vietnamienne pour les étrangers, avec notamment deux élèves, Antonio de Fontes et… Alexandre de Rhodes.

25De ce fait, on constate, sans étonnement, que les conventions phonétiques du quốc ngữ révèlent une influence du portugais qui n’est sans doute pas étrangère au fait que, entre 1615 et 1788, sur les 145 jésuites qui résidèrent au Viêt Nam on dénombre 74 Portugais contre 30 Italiens, 5 Français et 4 Espagnols. En effet, l’alphabet vietnamien est une adaptation du vietnamien à l’alphabet latin utilisé dans les langues romanes parlées par les missionnaires. Pour la notation des tons ont été employés des signes utilisés en grec, le tilde pour noter le ton ngã, le point d’interrogation suscrit pour noter le ton hổi, on a ajouté un point souscrit pour noter le ton nạng. Dans cette transcription, Nguyễn Phú Phong, à la suite d’A.G Haudricourt, souligne le poids de la langue portugaise : en effet, viennent du portugais les consonnes, gi, ch, x, nh, et les voyelles â, ê, ô (Haudricourt 1949 : 61 ; Nguyễn Phú Phong 2001 : 13-17).

26Le jésuite portugais et Alexandre de Rhodes ont donc mis au point l’écriture alphabétique du vietnamien, mais cela ne signifie pas qu’ils ont ignoré le chữ nôm, bien au contraire. Le chữ nôm a largement été utilisé pour l’évangélisation, sous forme de catéchismes, d’histoires des saints, de recueils de paroles saintes. Un missionnaire italien Girolamo Majorica a signé 48 œuvres différentes, constituant un ensemble de 4 200 pages. (Lê 1995 : 60-61). En effet, comme, le souligne Roland Jacques, l’écriture romanisée est avant tout destinée à l’instruction et à l’usage des missionnaires :

Elle leur fournissait une interface fort commode avec la langue orale ; en outre elle leur offrait un moyen d’échange intellectuel et de communication écrite avec les principaux dirigeants vietnamiens de la communauté chrétienne, dont on exigeait dans ce but l’apprentissage de la nouvelle écriture. Cette situation, caractérisée par une diffusion très restreinte du quốc ngữ, évoluera très lentement à partir du milieu du xviiie siècle. Alors seulement, l’écriture alphabétique commencera à se répandre davantage dans la communauté chrétienne ; ce sera pour des raisons de sécurité face à un régime inquisitorial et peut être aussi à cause de sa commodité d’emploi. (Jacques 1998 : 51.)

27Mais la mise au point du quốc ngữ n’est pas le seul fait des missionnaires européens, ils n’auraient pu accomplir cette tâche sans l’aide des chrétiens vietnamiens, les catéchistes, les frères et, bien sûr, les prêtres. C’est d’ailleurs à eux que l’on doit les premières œuvres en prose vietnamienne, écrite dans une langue « vulgaire » et transcrites en alphabet latin : en 1659, l’Histoire du pays d’Annam(Lịch sừ An Nam) de Bento Thienen 1822 le Carnet de notes et de divers faits (Sổ ghi nhớ vá chép việc), rédigé à Lisbonnepar le jésuite Philippe Bình. Le rôle considérable constamment joué par les lettrés vietnamiens dans cette entreprise lexicographique est injustement ignoré. Ces collaborateurs « indigènes » restent trop souvent dans l’anonymat. Seuls quelques témoignages font état de cette collaboration. Francisco de Pina fut aidé par un jeune lettré vietnamien baptisé du nom de Pero et « meilleur écrivain des lettres chinoises » (Jacques 2004 : 3). Alexandre de Rhodes exprime sa dette de reconnaissance en termes émouvants :

Celui qui m’aida merveilleusement fut un petit garçon du pays qui m’enseigna dans trois semaines tous les divers tons de la langue et la façon de prononcer tous les mots ; il n’entendait pas ma langue, ni moi la sienne, mais il avait un si bel esprit qu’il comprenait incontinent tout ce que je voulais dire ; et en effet, en ces mêmes trois semaines, il apprit à lire nos lettres, à écrire et à servir la messe ; j’étais étonné de voir la promptitude de cet esprit et la fermeté de sa mémoire. (De Rhodes 1854 : 89.)

28Mgr Pigneaux de Behaine, qui composa son dictionnaire à Pondichéry entre juin 1772 et juin 1773, réalisa ce travail avec l’aide de huit lettrés cochinchinois.

De la Mission catholique à la généralisation du quốc ngữ


29Pigneaux de Behaine appartenait aux MEP. En effet, ce sont les prêtres des Missions étrangères, successeurs des jésuites, qui poursuivirent la mise au point du quốc ngữ. Le Dictionnarum Annamitico-Latinum de Pigneaux de Behaine est le premier dictionnaireincluantles caractères romanisés et les caractères vietnamiens, les chữ nôm, que le dictionnaire d’Alexandre de Rhodes ne prenait pas en compte. En rationalisant le système consonantique et celui des tons, il révise, corrige et enrichit le dictionnaire d’Alexandre de Rhodes. Mgr Tabert utilise le dictionnaire manuscrit de Pigneaux de Behaine et le fait imprimer en 1838 à Serampore, au Bengale, sous le titre Dictionarium annamitico latinum. Ce dictionnaire dans lequel « l’apport de Mgr Tabert est mal défini […] enferme environ 10 000 termes, avec l’exposé détaillé des divers sens de chaque terme » (Moussay n.p. : 2).

30En 1868, le Père Legrand de la Liraye fait éditer son Dictionnaire élémentaire Annamite-Français. Le dictionnaire annamite-latin de Mgr Tabert est révisé et complété par Mgr Joseph Theurel, vicaire apostolique du Tonkin occidental, mais il meurt en 1868, avant de mener à bien son projet. Le père Charles Lesserteur termine le travail et fait publier le dictionnaire par les presses de la Mission de Kể-So, en 1877. Le Père Génibrel, des MEP, fait publier en 1898 son grand dictionnaire, un Dictionnaire Annamite-Français. Du début du siècle à 1928, plusieurs missionnaires des MEP publièrent une série de petits lexiques : ceux des Pères Ravier, Dronet, Pilon, Barbier, Masseron. En 1937 paraît le volumineux Dictionnaire Annamite-Chinois-Français du Père Hue, MEP (Moussay ibid. : 3)

31Cette œuvre lexicographique des missionnaires est couronnée par la parution, en 1957, du Dictionnaire Vietnamien-Chinois-Français du Père Eugène Gouin, réédité en 2002 par les éditions You Feng, qui reste un dictionnaire de référence, même si les dictionnaires plus récents ont pris en compte l’évolution du vietnamien écrit et parlé. Il faudrait y ajouter les grammaires, les ouvrages et les nombreux articles traitant de phonétique ou de linguistique. Ainsi, si les missionnaires ont traduit peu d’œuvres littéraires, à l’exception des contes, ils ont forgé la majorité des outils de traduction. En dehors des missionnaires, il faut signaler la contribution lexicographique importante de Georges Cordier qui fait publier en 1930 son Dictionnaireannamite-français à l’usage des élèves et des annamitisants.

32C’est aussi par le filtre des milieux catholiques, plus enclins à collaborer avec les conquérants, que passera aussi le quốc ngữ, notamment grâce aux écrits de deux grands érudits, Huỳnh Tịnh Của (1834-1907) et Trương Vĩnh Ký (1837-1898). Le premier, gouverneur de province, traduit les décrets des autorités de Saigon, vulgarise le quốc ngữ dans le premier journal en langue vietnamienne et en alphabet latin le Journal de Gia Dinh (Gia Định Báo), publie des contes et légendes recueillis entre 1880 et 1887, compose, en 1897, un dictionnaire de la langue vietnamienne, sur le modèle des dictionnaires de la langue française. Le second, artisan de la propagation du quốc ngữ,est Trương Vĩnh Ký. Génie polyglotte, il est réputé avoir appris au Siam, le siamois, le birman, le laotien, le cambodgien et le chinois, au Séminaire de Pénang, à Singapour, le japonais, l’hindi, le grec, le latin, le portugais et le français. En 1863, il accompagne Phan Thanh Gỉan, en qualité de secrétaire interprète de la commission d’ambassade envoyée à Paris pour le rachat des trois provinces cédées à la France. Nommé à son retour directeur du Collège des interprètes, et professeur au Collège des stagiaires il obtient, en 1865, la suppression des concours littéraires sino-vietnamiens en Cochinchine, avant de devenir, en 1866, ministre à la cour de Hué. De l’œuvre imposante de ce polygraphe, historien, essayiste politique, prosateur, poète et traducteur, il faut reconnaître, pour notre propos, la première grammaire vietnamienne écrite par un vietnamien, un Petit dictionnaire franco-annamite etla translittération en quốc ngữ de quelques uns des chefs d’œuvres de la littérature en chữ nôm, tels le Kim Vân Kiều et le Lục Vân Tiên, la rédaction de récits en prose, notamment Voyage à Hanoi, publié en 1887. En matière de littérature romanesque, c’est aussi dans l’orbite du catholicisme que fut rédigé « le premier récit moderne où le “moi” est en jeu, rédigé en prose et en quốc ngữ à la manière occidentale, et décrivant des personnages de l’époque avec leur vie intérieure, familiale et sociale » (Phạm Đan Bình 1993 : 57.) Il s’agit de Truyện Thầy Lazarô Phiền (Histoire de Lazaro Phiên) de Nguyễn Trọng Quản, éditée à Saigon en 1887 par J. Linage. Le sujet, le milieu et les personnages sont catholiques : le héros, Lazare Phien, cherchera refuge dans la vie religieuse après avoir tué, pour avoir cru à une lettre trompeuse, sa jeune épouse et son meilleur ami (Phạm Đan Bình id.).

33Au xxe siècle, les contributions des auteurs vietnamiens se multiplient, bien au-delà des milieux catholiques. En ce qui concerne les langues française et vietnamienne parmi les dictionnaires les plus utilisés, il faut citer le dictionnaire vietnamien-français de Lê Khả Kế et le dictionnaire français-vietnamien de Lê Khả Kế et Nguyễn Lân.

34Les outils linguistiques des missionnaires ont été d’une aide précieuse pour les colonisateurs. En effet, une nécessité pratique motivait les acteurs de la colonisation, apprendre la langue des colonisés et former des interprètes, relais de transmission des conquérants. Ils s’appuyèrent pour ce faire sur les missionnaires. En effet, le Collège des interprètes de Saigon, qui dès 1861 comptait un millier d’inscrits, n’était que la transformation de l’école secondaire d’Adran où les missionnaires enseignaient à 40 élèves le quốc ngữ et le latin (Phạm Đan Bình ibid. : 131). La même année, tout juste trois ans après l’intervention de la France, l’officier de marine Gabriel Aubaret publie, en quốc ngữ, un Vocabulaire français-annamite et annamite-français, suivi en 1867 d’une Grammaire annamite. Le français succède au latin mais le caractère instrumental de l’entreprise demeure. Dans cette perspective, comme le souligne Paulin Vial, directeur de l’Intérieur de la Cochinchine, l’usage des caractères est un obstacle au bon fonctionnement de l’administration coloniale et à la bonne communication entre français et vietnamiens :

Dès les premiers jours on a reconnu que la langue chinoise était une barrière de plus entre nous et les indigènes ; l’instruction donnée par les moyens carachérioglyphiques nous échappait complètement ; cette écriture ne permet que difficilement de transmettre à la population les notions diverses qui lui sont nécessaires, au niveau de leur nouvelle situation politique et sociale. (Lettre de Paulin Vial adressée au Gouverneur de Saigon le 15 Janvier 1878 in Bouchot 1927 : 48.)

35Aussi, dès le 22 février 1869, un arrêté du gouvernement de la Cochinchine rend obligatoire l’emploi du quốc ngữ dans les documents administratifs.

36En dehors des agents de l’administration coloniale et des personnes qui y sont liées d’une manière ou d’une autre, cette écriture est d’abord rejetée par les Vietnamiens. Pour certains lettrés patriotes c’est l’écriture des conquérants, c’est-à-dire des barbares. L’un d’entre eux, Nguyễn Bá Học (1857-1921), avant de devenir l’un des meilleurs nouvellistes de la revue Nam Phong Tạp Chí (Vent du Sud), mis dans l’obligation, pour trouver un emploi, d’apprendre le quốc ngữ, en éprouve de la honte :

Généralement je n’osais pas apprendre à haute voix ; qu’un visiteur vint à la maison, vite je cachai le manuel dans ma poche comme s’il se fût agi – ce manuel contenait les 24 lettres de l’alphabet latin – d’un livre secret, d’un manuel prohibé. (Nguyên Văn Hoàn 1984 : 80.)

37Cependant, au début du xxe siècle, toute une série de facteurs poussent les patriotes vietnamiens à faire du quốc ngữ un des outils de la lutte pour l’indépendance nationale. La signature, en 1884, du traité Patenôtre qui reconnaît la domination française sur tout le Vietnam, la mort, en 1895, de Phan Đình Phùng, qui marque la fin du mouvement de résistance royaliste, entraînent l’apparition d’une nouvelle génération de nationalistes dont les deux leaders sont incontestablement Phan Bội Châu et Phan Châu Trinh. Ils prennent connaissance des œuvres de Descartes, Montesquieu, Voltaire et Rousseau par les traductions chinoises et s’inspirent des livres nouveaux des réformateurs chinois comme Kang Yeou Wei et Liang Tchou. Les victoires du Japon sur la Chine en 1895, sur la Russie en 1905, poussent Phan Bội Châu à préconiser le « voyage vers l’Est », c’est-à-dire le Japon où des étudiants vietnamiens partent clandestinement suivre les cours des écoles « occidentales » fondées par les japonais. Mais ces étudiants seront chassés du pays à la suite d’un accord franco-nippon. Phan Châu Trinh met en avant les principes de la Révolution française pour argumenter la lutte anticoloniale. Aussi les deux « Phan » font-ils partie du groupe de lettrés qui, au nom de la modernisation et de la critique du néo-confucianisme, ouvrent en 1907 l’école de la Juste Cause (Đông Kinh Ngĩa Thục) qui se propose d’enseigner gratuitement le quốc ngữ et depromouvoir la modernisation de la culture vietnamienne. Après neuf mois seulement, l’école fut dissoute par l’administration coloniale, ses dirigeants, ses animateurs et ses partisans arrêtés et emprisonnés, notamment au bagne de Poulo Condor. Mais ses méthodes et sa doctrine avaient déjà fait tache d’huile dans le pays. Désormais, quốc ngữ, modernisation et indépendance sont indissociables :

Ayant reçu le baptême des mains des patriotes le quốc ngữ n’était plus « les lettres à eux » (les français, les pères catholiques), mais l’enfant né de la langue vietnamienne et jouissant désormais de la considération et de l’estime du peuple vietnamien. (Nguyễn Văn Hoàn : 1984 82.)

38Cette victoire du quốc ngữ est indissociable de la disparition des concours triennaux, mode de recrutement traditionnel des mandarins vietnamiens. Dès le règne de Tự Đức, ils cessèrent d’être organisés en Cochinchine. Les deux derniers furent organisés à Nam Đình en 1915 et à Hué en 1919. La suppression des concours triennaux accélère non seulement le recul de l’étude des idéogrammes mais traduit encore une profonde mutation culturelle :

Les concours littéraires sont désormais concurrencés par les nouvelles filières scolaires, puis peu à peu dévalorisés puisqu’ils débouchent de moins en moins sur les nouvelles voies de la promotion sociale. (Brocheux & Hémery 2004 : 218.)

39Les lettrés modernistes sont d’ailleurs partisans convaincus du quốc ngữ :

Les lettrés vietnamiens en viennent à leur tour à considérer le quốc ngữ comme un instrument efficace pour diffuser la Nouvelle pensée, les Nouvelles lettres et les nouveaux manuels auprès des masses […] Cette adoption du quốc ngữ s’accompagne d’un début de diffusion d’ouvrages modernistes publiés sous leur responsabilité et dans le cadre des actions culturelles et éducatrices. (Trinh Văn Thảo 2007 : 207.)

40Le choix du quốc ngữ par les vietnamiens est indissociable d’un mouvement d’alphabétisation de masse. Selon David Marr, cité par Pham Đán Bình, 88 manuels différents ont été édités entre 1920 et 1940, en 364 éditions, totalisant 3,7 millions d’exemplaires (Pham Đán Bình 1993 : 135). Ces manuels ont non seulement pour but de vulgariser le quốc ngữ, mais encore de lutter contre l’illettrisme. En 1926, selon Georges Garros, cité par Phạm Đan Bình (id.) il n’y avait que 200 000 écoliers pour trois millions d’enfants en âge scolaire. En 1938, pour palier la défaillance des pouvoirs publics, est créée l’association pour la vulgarisation du quốc ngữ qui, vers 1945, recrute 1971 enseignants pour 59 827 apprenants et distribue 175 000 abécédaires (ibid. : 136). Cette campagne contre l’illettrisme est généralisée par le Front révolutionnaire. « Entre septembre 1945 et décembre 1946, le Service de l’éducation des masses a mobilisé 95665 instructeurs bénévoles pour apprendre à lire et écrire à 2 520 678 personnes. Fin 1958, on pouvait prétendre que 93,4 % de la population des plaines, entre 12 et 50 ans, y sont parvenues. » (id.)

41Le quốc ngữ est donc devenu le véhicule de la modernisation et de l’identité nationale :

L’imagerie populaire montre volontiers le président Hô Chi Minh, lui-même fils d’un lettré patriote, au tableau noir, enseignant aux enfants des campagnes à lire et à écrire leur langue dans l’alphabet romanisé. Le nôm s’effaça jusqu’à disparaître complètement, tandis que l’écriture qui avait été celle des missionnaires et des Français devenait l’écriture unique de tout le monde au Viêt Nam : « l’écriture nationale ». Utilisée dans tout les domaines elle se vit promue au rang de véhicule idéologique. (Jacques 1998 : 51.)

Conclusion


42Au terme de cet exposé, revenons-en à la figure d’Alexandre de Rhodes et à la progressive prise de conscience de son rôle par les autorités vietnamiennes. En effet, après 1975, le rejet de l’épisode colonial entraîne le rejet de l’œuvre d’Alexandre de Rhodes :

La romanisation de l’écriture fut classée comme un acte politique hostile, comme une entreprise de déstructuration culturelle visant à diviser la communauté nationale et à imposer une domination étrangère. (Ibid. : 24.)

43Dans cette logique, le mémorial d’Alexandre de Rhodes fut enlevé :

Mais malheureusement, le monument disparut un jour, il y a une trentaine d’années. Qui l’enleva ? Nul ne le sait ! Acte politique ou simple vandalisme, le mystère reste entier. La stèle, donc, bien que volumineuse, disparut de son piédestal… Un temps, on la revit dans l’échoppe d’un serrurier qui s’en servit comme… enclume. Puis une marchande de thé l’utilisa comme comptoir – bien pratique pour boire et se cultiver à la fois ! Certains la virent même au bord du fleuve Rouge […] Dans les années 1980, l’espace dédié à Alexandre de Rhodes vit l’érection d’un superbe monument révolutionnaire blanc immaculé, à la gloire des patriotes : trois grandes statues de combattants, dont une femme. Sur le piédestal, cette inscription : « Prêts à se sacrifier pour la Patrie. » (Le courrier du Viêt Nam, 4 juillet 2004 : 7.)

44Il faut attendre 1993 pour qu’Alexandre de Rhodes soit réhabilité. Cette année-là, le Club des historiens organisa un débat sur Alexandre de Rhodes et le professeur Nguyễn Lân évoqua le mémorial du Français. Pour lui, il n’aurait jamais dû être abattu. Le courrier du Viêt Nam commente en ces termes cet « enlèvement » : 

Cet acte révélait une certaine étroitesse d’esprit, une méconnaissance totale de l’histoire et, de toute manière, c’était indigne de notre peuple. Et Alexandre de Rhodes n’a-t-il pas aussi œuvré pour le peuple vietnamien ? L’écriture romanisée, d’apprentissage beaucoup plus facile que les idéogrammes, a favorisé l’accès au savoir et à l’information de larges pans de la population [...] Et le missionnaire était aussi un humaniste, proche de la population. (Id.)

45Le temps était venu de redonner à Alexandre de Rhodes un espace de mémoire au cœur de la capitale vietnamienne. Le professeur Nguyễn Lân proposa d’élever un buste devant l’université de pharmacie de Hanoi. Mais il est aussi possible de remettre en place la vieille stèle qui est maintenant entreposée dans les locaux du Comité de gestion des vestiges historiques et des sites touristiques de la capitale. En 1995, le Centre des sciences sociales et humaines organise un colloque sur la vie et l’œuvre du missionnaire français. Dans son intervention relative aux contributions du jésuite au Vietnam, le docteur Nguyễn Duy Quý conclut en ces termes :

Nous comptons déposer la vieille stèle dans l’enceinte de la Bibliothèque nationale. Nous voulons aussi redonner à une rue de Hô Chi Minh-Ville le nom du célèbre missionnaire, débaptisée il y a quelques décennies. (Id.)

46L’œuvre d’Alexandre de Rhodes est donc maintenant reconnue à sa juste valeur par les autorités vietnamiennes.
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Bibliography

Ouvrages et articles

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Endnote

1 Le quốc ngữ est la transcription en alphabet latin de la langue vietnamienne.
2 L’histoire de la vie d’Alexandre de Rhodes est désormais bien connue. Les articles et les ouvrages qui la retracent s’inspirent pour l’essentiel de l’autobiographie d’Alexandre de Rhodes, parue en 1653 et plusieurs fois rééditée : Divers voyages et missions du P. Alexandre de Rhodes en la Chine et autres Royaumes de l’Orient, avec son retour en Europe par la Perse et l’Arménie. Le tout divisé en trois parties, à Paris, chez Sébastien Mabre-Cramoisy et Gabriel Marbre Cramoisy, M.DC.LIII (1653), IN 4°, carte, pages 82 et 276. En revanche, la plupart des vietnamologues semblent ignorer la biographie la plus fouillée d’Alexandre de Rhodes, due à Daniel Bordreuil, pasteur protestant et vietnamisant. Peut-être parce que sa thèse de maîtrise en théologie, "Étude biographique schématique sur le R.P Alexandre de Rhodes, s.j, (1591-1660) Apôtre de l’empire d’Annam au xviie siècle (avec trois cartes)", (Faculté Libre de Théologie protestante d’Aix-en-Provence, 1954) n’a pas été publiée en ouvrage et que, horresco referens !, il a été missionnaire dans le centre du Viêt Nam. Je ne voulais pas surcharger mon exposé de notes de bas de page, mais que le lecteur sache que le résumé de la vie et des voyages d’Alexandre de Rhodes s’inspire essentiellement de la thèse de Daniel Bordreuil.
3 Le patronyme Rueda, vient de rueda (rouelle), petit disque rouge que les juifs de ces contrées devaient porter sur leurs vêtements à partir du xiiie, cf. Gaide(1927 : 225).
4 Une langue dravidienne proche du Tamoul.
5 À ce titre, la lecture des ouvrages de Nguyễn Tân Hung(2011) et de Phan Đình Cho (1998), aurait enrichi notre propos, mais nous en avons pris connaissance trop tard. Que les auteurs nous en excusent.
Les dictionnaires et grammaires postérieurs au dictionnaire d’Alexandre de Rhodes sont cités par ordre chronologique.Top of page

List of illustrations

Title Fig. 1 : Alexandre de Rhodes
Credits ©Fonds iconographique des Archives des Missions Étrangères de Paris
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References

Bibliographical reference

Alain Guillemin, « Alexandre de Rhodes a-t-il inventé le quốc ngữ ? », Moussons, 23 | 2014, 141-157.

Electronic reference

Alain Guillemin, « Alexandre de Rhodes a-t-il inventé le quốc ngữ ? », Moussons [Online], 23 | 2014, Online since 16 September 2014, connection on 29 October 2017. URL : http://moussons.revues.org/2921 ; DOI : 10.4000/moussons.2921
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About the author

Alain Guillemin

Sociologue de la littérature, membre correspondant de l'Institut de Recherche sur L’Asie (IrAsia). Également correspondant de la revue Riveneuve Continents, il y a coordonné un numéro spécial sur les relations littéraires entre la France et le Viêt Nam, Vietnam, le destin du lotus. Traducteur de l’anglais en collaboration avec Patricia Fogarty d’un ouvrage de Nathalie Huynh Chau Nguyên sous le titre La mémoire est un autre pays. Femmes de la diaspora vietnamienne (Riveneuve éditions, 2013).

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